‘‘Le témoin’’ de Joy Sorman

Dans ce roman, l'autrice nous propose une immersion au cœur d'un tribunal et s'interroge sur la violence de la Justice, après avoir elle-même passé un jour par semaine, pendant un an, au palais de justice de Paris.

Joy Sorman a l'habitude de procéder ainsi pour écrire certains de ses livres : elle s'intéresse à un lieu et s'y immerge totalement. « Je passe toujours par une phase d'enquête documentaire. Et donc là, pendant un an, j'ai assisté à des procès de terrorisme, violences conjugales, incestes, comparutions immédiates, stupéfiants. J'ai essayé de balayer un peu toutes les formes de la justice. Et donc, tous les procès que je raconte dans ce roman sont de vrais procès auxquels j'ai assisté. »

Et l'une des conclusions qu'elle en tire, et que son héros - puisqu'il s'agit bien d'un roman - prend à son compte page 86, est la suivante : « Ici plus qu'ailleurs, le mépris de classe s'exprime dans la langue. Le pouvoir est du côté de ceux qui manient le verbe comme un lasso. »
La justice est une affaire de lutte des classes et de violence symbolique.

« C'est surtout frappant en comparution immédiate. Ce sont des audiences où il y a des dizaines et des dizaines d'affaires traitées dans la même journée. C'est trois minutes par prévenu et ils sont quasiment toujours les mêmes, des hommes d'origine arabe qui parlent mal le français, qui sont condamnés pour des petites affaires de stupéfiants ou de violence. Et on a l'impression qu'on n'a plus le temps de s'intéresser aux histoires personnelles, aux individualités. Et puis, tout le monde est fatigué parce que les conditions de travail des magistrats sont de plus en plus compliquées aussi. Donc, la maltraitance, finalement, engendre de la maltraitance et on est dans une espèce de huis clos où ça tourne en rond. »

C'est tout ce que raconte ‘‘Le Témoin’’ publié chez Flammarion : l'histoire d'une justice qui n'est pas toujours juste et d'une violence qui s'insinue à tous les étages des prétoires.